Page 94 - catalogue tableaux_08-2020
P. 94

ÉCOLE FRANCAISE DU XVIII  SIÈCLE.
                                                                            E

                        Le Voyage de Charles et Robert

                        Huile sur toile
                        93 x 110 cm.


                             Cette noble assemblée qui s’enthousiasme à la vue d’un ballon nous restitue un fait
                        historique, celui du premier vol en ballon à hydrogène de Jacques Charles et Noël Robert,
                        le 1  décembre 1783. L’évènement, qui connut alors une grande notoriété compte tenu de
                           er
                        son caractère expérimental et exceptionnel, est rendu ici avec précision pour en garder la
                        mémoire. Les protagonistes sont aisément reconnaissables, le savant Jacques Charles dans la
                        nacelle, alors qu’il s’apprête à s’envoler pour la deuxième fois, et le constructeur du ballon,
                        Noël Robert, en habit rouge à gauche tenant le procès-verbal de l’évènement. A droite, deux
                        aristocrates, le duc de Chartres, Philippe d’Orléans cousin du roi Louis XVI reconnaissable
                        au cordon bleu de l’Ordre du Saint-Esprit, et le duc de Fitz-James ont suivi le ballon à cheval
                        depuis Paris et viennent saluer les héros. Au loin et au tout premier plan, les habitants de
                        Nesles-la-Vallée où le ballon vient d’atterrir s’approchent, stupéfaits. La composition est
                        organisée symétriquement autour du ballon. Véritable Deus ex machina, Charles, à peine
                        atterri, entame sa deuxième ascension défiant les lois de la pesanteur, comme il le ferait sur
                        une scène. Les personnages sont répartis de part et d’autres, à égale distance de la nacelle.
                        Leur gestuelle, maniérée, est celle d’acteurs de théâtre. Les deux personnages de dos à droite,
                        comme les santons de la crèche, semblent partagés entre effroi et admiration. La palette
                        de couleurs obéit aux lois de la perspective atmosphérique, saturée au premier plan puis
                        s’estompant dans les lointains, jusqu’à devenir pastel.
        94
                             Ce  tableau,  à  mi-chemin  entre  l’épisode  historique  et  le  fait  divers,  appartient  au
                        genre très prisé de l’évènement commémoratif. Cette ascension qui fait date dans l’histoire
                        de la science fit ainsi l’objet de nombreuses gravures qui racontent toutes les étapes de cet
                        événement, de son ascension aux Tuileries à son atterrissage deux heures plus tard, trente
                        – cinq kilomètres plus à l’ouest. Après signature du procès-verbal, Charles remonte seul à
                        bord du ballon et s’élèvera jusqu’à 3 300 m. d’altitude ! Un véritable exploit. Ce fut aussi
                        l’objet d’une compétition entre inventeurs, caractéristique du siècle des Lumières si fécond
                        en inventions. En effet, dix jours auparavant, le ballon des frères Montgolfier s’était envolé à
                        l’aide d’air chaud du château de La Muette emportant lui aussi deux passagers mais jusqu’à
                        seulement 1000 m. d’altitude pour un parcours de 9 km en 25 mn. C’est donc le savant
                        Charles qui remporte le record d’altitude et de durée grâce à l’usage de l’hydrogène, gaz
                        douze fois plus léger que l’air, et avec un ballon de taille réduite : 380 m3 contre 1400 m3
                        pour la Montgolfière. Si très nombreuses sont les gravures relatant l’événement beaucoup
                        plus rares sont les peintures. Les dimensions exceptionnelles de ce tableau en font une œuvre
                        rare.
   89   90   91   92   93   94   95   96   97   98   99