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RAOUL DUFY
                        (LE HAVRE, 1877 – FORCALQUIER, 1953)


                        Calèche à Falaise

                        1905
                        Huile sur toile signée en bas à gauche
                        78 x 64 cm.


                             Se faufilant entre les silhouettes décharnées des arbres, une calèche glisse sur un
                        sentier tracé dans la neige. Ne seraient les cercles rouges de ses roues, on en devinerait à
                        peine la présence, tant son habitacle noir se confond avec les maisons de l’arrière-plan et
                        son cheval blanc se fond dans la neige. Ici, ce sont les arbres qui semblent être le sujet du
                        tableau. Leurs troncs longilignes, plantés dans la neige, strient toute la surface de la toile.
                        Loin d’être immobiles, ils paraissent danser avec leurs ramures dépouillées qui se détachent
                        sur un ciel grisé. Leur répartition est rythmée. Deux troncs, plus épais, encadrent la scène,
                        se répondant de part et d’autre du chemin. A droite, l’arbre le plus proche de nous déborde
                        du cadre, occupant toute la hauteur du tableau et nous invitant à y entrer. A travers cette
                        trame, on distingue un passant, ombre noire qui se hâte doublée par la calèche, puis, plus
                        au fond, quelques masures et, enfin, un mur. Ce dernier introduit une rupture horizontale
                        dans cette composition ascendante. La ligne qui en délimite le sommet semble l’écho presque
                        parallèle de celle du sentier. Ce plan coloré concentre la palette de toutes les couleurs du
                        tableau. De son sommet dépassent d’autres arbres évoqués, cette fois, par de de simples
                        striures colorées. Les couleurs apparaissent dans cette œuvre au fur et à mesure qu’on s’y
        88              enfonce. La profondeur crée la couleur. La touche, toujours très graphique abandonne les
                        teintes sombres du premier plan pour se muer en hachures fauves dans le lointain, où les
                        ocres jaunes le disputent aux terres de Sienne et aux verts. Ce sont aussi les arbres qui varient
                        d’un tronc à l’autre, ici verdâtre, là gris-bleu puis là-bas violet ou rouille... Dufy, en pleine
                        période fauviste, nous montre son talent de coloriste dans cette gamme chaude et bigarrée
                        si caractéristique du mouvement qu’il quittera pourtant bientôt, préférant privilégier le
                        graphisme qui fera sa signature.

                             Raoul Dufy (1877-1953) est un peintre et décorateur français. Formé à l’Ecole des
                        Beaux-Arts du Havre, il commence sa carrière comme paysagiste en Normandie puis en
                        Provence où il fréquente les « Fauves », Albert Marquet, Vlaminck puis Matisse. Il réalise
                        de nombreuses scènes de rues pavoisées et de fêtes de village, aux touches vives et colorées,
                        comme ce Bal populaire qui date de cette période. Influencé par l’œuvre de Cézanne, il
                        s’oriente ensuite vers la nature morte, puis rencontre Braque et Picasso. Tous trois travaillent
                        ensemble, échangeant leurs recherches formelles, qui les conduiront au cubisme. Mais très
                        vite Dufy se construit son style propre dissociant la couleur du dessin : les traits viennent se
                        superposer aux plages colorées comme dans ce qui reste son chef-d’œuvre La Fée électricité,
                        du Musée d’art moderne de la ville de Paris. Artiste polyvalent et curieux, Dufy s’essaie à tous
                        les arts, des cartons de tapisserie à la lithographie, jusqu’à la céramique, dessinant décors et
                        costumes de théâtre pour Jean Cocteau, illustrant textes d’Apollinaire, de Gide ou encore de
                        Colette.
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