Page 88 - catalogue tableaux_08-2020
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RAOUL DUFY
(LE HAVRE, 1877 – FORCALQUIER, 1953)
Calèche à Falaise
1905
Huile sur toile signée en bas à gauche
78 x 64 cm.
Se faufilant entre les silhouettes décharnées des arbres, une calèche glisse sur un
sentier tracé dans la neige. Ne seraient les cercles rouges de ses roues, on en devinerait à
peine la présence, tant son habitacle noir se confond avec les maisons de l’arrière-plan et
son cheval blanc se fond dans la neige. Ici, ce sont les arbres qui semblent être le sujet du
tableau. Leurs troncs longilignes, plantés dans la neige, strient toute la surface de la toile.
Loin d’être immobiles, ils paraissent danser avec leurs ramures dépouillées qui se détachent
sur un ciel grisé. Leur répartition est rythmée. Deux troncs, plus épais, encadrent la scène,
se répondant de part et d’autre du chemin. A droite, l’arbre le plus proche de nous déborde
du cadre, occupant toute la hauteur du tableau et nous invitant à y entrer. A travers cette
trame, on distingue un passant, ombre noire qui se hâte doublée par la calèche, puis, plus
au fond, quelques masures et, enfin, un mur. Ce dernier introduit une rupture horizontale
dans cette composition ascendante. La ligne qui en délimite le sommet semble l’écho presque
parallèle de celle du sentier. Ce plan coloré concentre la palette de toutes les couleurs du
tableau. De son sommet dépassent d’autres arbres évoqués, cette fois, par de de simples
striures colorées. Les couleurs apparaissent dans cette œuvre au fur et à mesure qu’on s’y
88 enfonce. La profondeur crée la couleur. La touche, toujours très graphique abandonne les
teintes sombres du premier plan pour se muer en hachures fauves dans le lointain, où les
ocres jaunes le disputent aux terres de Sienne et aux verts. Ce sont aussi les arbres qui varient
d’un tronc à l’autre, ici verdâtre, là gris-bleu puis là-bas violet ou rouille... Dufy, en pleine
période fauviste, nous montre son talent de coloriste dans cette gamme chaude et bigarrée
si caractéristique du mouvement qu’il quittera pourtant bientôt, préférant privilégier le
graphisme qui fera sa signature.
Raoul Dufy (1877-1953) est un peintre et décorateur français. Formé à l’Ecole des
Beaux-Arts du Havre, il commence sa carrière comme paysagiste en Normandie puis en
Provence où il fréquente les « Fauves », Albert Marquet, Vlaminck puis Matisse. Il réalise
de nombreuses scènes de rues pavoisées et de fêtes de village, aux touches vives et colorées,
comme ce Bal populaire qui date de cette période. Influencé par l’œuvre de Cézanne, il
s’oriente ensuite vers la nature morte, puis rencontre Braque et Picasso. Tous trois travaillent
ensemble, échangeant leurs recherches formelles, qui les conduiront au cubisme. Mais très
vite Dufy se construit son style propre dissociant la couleur du dessin : les traits viennent se
superposer aux plages colorées comme dans ce qui reste son chef-d’œuvre La Fée électricité,
du Musée d’art moderne de la ville de Paris. Artiste polyvalent et curieux, Dufy s’essaie à tous
les arts, des cartons de tapisserie à la lithographie, jusqu’à la céramique, dessinant décors et
costumes de théâtre pour Jean Cocteau, illustrant textes d’Apollinaire, de Gide ou encore de
Colette.