Page 56 - catalogue tableaux_08-2020
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JEAN-BAPTISTE CAMILLE COROT
                        (PARIS, 1796 – PARIS, 1875)


                        Ville d´Avray, Prairies au bord de la route de Versailles

                        1860 – 1865
                        Huile sur toile signée en bas à gauche 32 x 40 cm.
                        Peint en compagnie de M. Damoye
                        Certificat Dieterle et Lebeau.


                             Tout respire ici la sérénité tranquille d’un paysage champêtre. La composition bordée
                        de frondaisons amène paisiblement notre regard vers une trouée centrale. Nul besoin de
                        symétrie pour équilibrer ce paysage, mais plutôt d’un dialogue entre ces deux futaies de
                        part et d’autres d’un petit étang. A gauche, en légère déclivité, un petit bois de taille répond
                        ainsi au rideau de grands arbres élancés, à droite. Le premier plan, parfaitement dégagé, fait
                        office de scène où les seuls protagonistes sont un quintette de vaches, immuables. La pente
                        douce qui conduit celles-ci de la bâtisse blanche, à gauche, aux pâturages en contrebas invite
                        aussi notre regard à circuler dans l’espace. De cette bâtisse, à l’architecture si curieusement
                        élaborée, on s’oriente vers l’étang, surface claire reflétant le ciel, avant d’être absorbé par la
                        percée du fond. Le statisme des bovins, comme figés dans l’espace, indifférents au temps
                        qui passe, participe au calme qui baigne cette prairie. Décentrés sur la droite, ils font partie
                        intégrante du décor ; le sujet central est bien ici le paysage. Dans une palette de couleurs
                        estivales, l’artiste nous donne un instantané de la torpeur d’une après-midi en rase campagne.
        56              Suivant les règles de la perspective atmosphérique, au loin dans la trouée, se profile, bleutée,
                        la silhouette d’un clocher majestueux.

                             Si on retrouve les éléments chers à Corot, jeux visuels entre les masses végétales, étang
                        comme miroir du ciel, dans une dissymétrie étudiée héritée du paysage classique du Lorrain
                        ou de Poussin, s’ajoute néanmoins ici la touche de son élève Pierre-Emmanuel Damoye
                        (1847-1916). Ce jeune peintre se forme en  ces  années auprès de son ainé dont il  saura
                        retenir les leçons pour mener une carrière de paysagiste reconnue comme l’atteste ses œuvres
                        conservées au musée d’Orsay, notamment son Marais en Sologne (1892). En effet, adepte
                        de la peinture en plein air pour s’imprégner du « sentiment de la nature », Corot aime à
                        s’entourer de ses pairs. Plantant de concert leur chevalet au milieu des champs, ces artistes,
                        qui forment l’école de Barbizon, échangent ainsi leurs pratiques et émotions face à la nature.
                        On se prend alors à imaginer nos deux peintres partageant leurs idées en mêlant leurs touches
                        sur une même toile. Car il s’agit bien ici d’interpréter et non de simplement représenter ce
                        que l’œil voit. « Le réel est une partie de l’art, le sentiment complète (…) j’interprète avec
                        mon cœur autant qu’avec mon œil » confiera Corot à son ami Robaut, à la veille de sa mort.
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