Page 38 - catalogue tableaux_08-2020
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MARC CHAGALL
(LIOZNA, 1887 – SAINT-PAUL-DE-VENCE, 1985)
Maternité
1911
Gouache marouflée sur toile, signée.
45 x 35 cm.
Provenance
Loudmer Scp., 22 novembre 1993 (lot n° 00021)
Christie’s, Londres, 2002.
Parmi des formes géométriques, se dresse la silhouette hiératique d’une femme tenant dans
ses bras un enfant. Auréolés, ils désignent explicitement la Vierge et l’Enfant Jésus. Construite
dans une juxtaposition de plans, la composition se résume à quelques aplats de couleurs : jaune
pour l’enfant, vert pour la mère, avec des touches de bleu qui cernent leurs contours. Ils se
dégagent sur un aplat blanc largement brossé. Deux plans de couleurs chaudes délimitent
les extrémités, supérieures et inférieures : brune en haut et orangé en bas. Si on retrouve les
tons orangés pour les jambes de l’enfant, la teinte plus brune semble sous-jacente aux autres
couleurs. Enfin, blanche, fantomatique, une architecture, probablement une église, est esquissée
en haut à gauche. Cet encastrement de formes colorées aux découpes arbitraires et linéaires
évoque l’art du vitrail laissant penser qu’il pourrait s’agir d’un dessin préparatoire pour ce type
de représentations. L’artiste en réalisera, en effet, de nombreux vitraux mais après la Seconde
Guerre mondiale. Cependant, cette scène religieuse appartient au répertoire judéo-chrétien dans
38 lequel aime puiser Chagall, dans son appréhension syncrétique et pacifique de la religion. Son
modèle dérive ici des icones russes du type Hodigitria avec l’Enfant porté sur le bras gauche de
sa mère. Toutefois, le visage de la Vierge avec ses larges cavités pour les yeux sont caractéristiques
du peintre. L’Enfant, quant à lui, semble coiffé comme les garçonnets juifs. Le couple flottant,
comme en lévitation, est aussi propre à l’artiste russe qui aime s’affranchir de la peinture réaliste.
Marc Chagall (1887-1985), est un artiste d’origine russe, naturalisé Français en 1937.
Prolifique, il touche à toutes les techniques : peinture, sculpture, céramique, vitrail... Né dans
une famille juive pratiquante, en Biélorussie, sa culture va imprégner fortement son art et
caractériser son style. En 1910, il vient s’installer à Paris après des études à l’Ecole des Beaux-
Arts de Saint-Pétersbourg, dans l’atelier de Léon Bakst. S’il s’intéresse aux artistes d’avant-garde,
il n’appartient à aucun mouvement, gardant une liberté de style très personnel. Cette œuvre
appartient à ce premier séjour parisien. Artiste cosmopolite, il expose à la fois à Paris, au Salon
des Indépendants de 1914, et à Berlin aux côtés de Paul Klee. De retour à Vitebsk, pendant
la première Guerre Mondiale, il prend la direction de son école d’art, puis réalise le décor du
théâtre juif de Moscou. De retour à Paris en 1923, il est exposé chez Vollard, puis connait la
notoriété aux Etats-Unis où il se réfugie pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa peinture,
toujours empreinte de ses origines juives, évoque en filigrane la vie des shtetl d’Europe de l’Est et
fait référence à ses souvenirs d’enfance. Ses personnages souvent en lévitation, comme sans cette
Maternité, traversent les œuvres comme autant de motifs poétiques voire mélancoliques dégagés
de toute intention narrative. A la tragédie des sujets toujours latente répond pourtant l’emploi
d’une touche colorée, vive, apportant gaité et optimisme. De grandes commandes honorent la
fin de sa carrière, tapisseries, vitraux d’églises mais aussi le plafond de l’Opéra de Paris en 1964.
Retiré à Saint-Paul-de-Vence, il s’intéresse à la lumière de la côte d’Azur et inaugure à Nice, en
1973, le musée qui porte son nom et pour lequel il réalise d’immenses tableaux tirés de Bible. Il
s’éteint en 1985 à l’âge de 97 ans.