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MARC CHAGALL
                        (LIOZNA, 1887 – SAINT-PAUL-DE-VENCE, 1985)


                        Maternité

                        1911
                        Gouache marouflée sur toile, signée.
                        45 x 35 cm.

                        Provenance
                        Loudmer Scp., 22 novembre 1993 (lot n° 00021)
                        Christie’s, Londres, 2002.

                             Parmi des formes géométriques, se dresse la silhouette hiératique d’une femme tenant dans
                        ses bras un enfant. Auréolés, ils désignent explicitement la Vierge et l’Enfant Jésus. Construite
                        dans une juxtaposition de plans, la composition se résume à quelques aplats de couleurs : jaune
                        pour l’enfant, vert pour la mère, avec des touches de bleu qui cernent leurs contours. Ils se
                        dégagent sur un aplat blanc largement brossé. Deux plans de couleurs chaudes délimitent
                        les extrémités, supérieures et inférieures : brune en haut et orangé en bas. Si on retrouve les
                        tons orangés pour les jambes de l’enfant, la teinte plus brune semble sous-jacente aux autres
                        couleurs. Enfin, blanche, fantomatique, une architecture, probablement une église, est esquissée
                        en haut à gauche. Cet encastrement de formes colorées aux découpes arbitraires et linéaires
                        évoque l’art du vitrail laissant penser qu’il pourrait s’agir d’un dessin préparatoire pour ce type
                        de représentations. L’artiste en réalisera, en effet, de nombreux vitraux mais après la Seconde
                        Guerre mondiale. Cependant, cette scène religieuse appartient au répertoire judéo-chrétien dans

        38              lequel aime puiser Chagall, dans son appréhension syncrétique et pacifique de la religion. Son
                        modèle dérive ici des icones russes du type Hodigitria avec l’Enfant porté sur le bras gauche de
                        sa mère. Toutefois, le visage de la Vierge avec ses larges cavités pour les yeux sont caractéristiques
                        du peintre. L’Enfant, quant à lui, semble coiffé comme les garçonnets juifs. Le couple flottant,
                        comme en lévitation, est aussi propre à l’artiste russe qui aime s’affranchir de la peinture réaliste.

                             Marc Chagall (1887-1985), est un artiste d’origine russe, naturalisé Français en 1937.
                        Prolifique, il touche à toutes les techniques : peinture, sculpture, céramique, vitrail... Né dans
                        une famille juive pratiquante, en Biélorussie, sa culture va imprégner fortement son art et
                        caractériser son style. En 1910, il vient s’installer à Paris après des études à l’Ecole des Beaux-
                        Arts de Saint-Pétersbourg, dans l’atelier de Léon Bakst. S’il s’intéresse aux artistes d’avant-garde,
                        il n’appartient à aucun mouvement, gardant une liberté de style très personnel. Cette œuvre
                        appartient à ce premier séjour parisien. Artiste cosmopolite, il expose à la fois à Paris, au Salon
                        des Indépendants de 1914, et à Berlin aux côtés de Paul Klee. De retour à Vitebsk, pendant
                        la première Guerre Mondiale, il prend la direction de son école d’art, puis réalise le décor du
                        théâtre juif de Moscou. De retour à Paris en 1923, il est exposé chez Vollard, puis connait la
                        notoriété aux Etats-Unis où il se réfugie pendant la Seconde Guerre mondiale. Sa peinture,
                        toujours empreinte de ses origines juives, évoque en filigrane la vie des shtetl d’Europe de l’Est et
                        fait référence à ses souvenirs d’enfance. Ses personnages souvent en lévitation, comme sans cette
                        Maternité, traversent les œuvres comme autant de motifs poétiques voire mélancoliques dégagés
                        de toute intention narrative. A la tragédie des sujets toujours latente répond pourtant l’emploi
                        d’une touche colorée, vive, apportant gaité et optimisme. De grandes commandes honorent la
                        fin de sa carrière, tapisseries, vitraux d’églises mais aussi le plafond de l’Opéra de Paris en 1964.
                        Retiré à Saint-Paul-de-Vence, il s’intéresse à la lumière de la côte d’Azur et inaugure à Nice, en
                        1973, le musée qui porte son nom et pour lequel il réalise d’immenses tableaux tirés de Bible. Il
                        s’éteint en 1985 à l’âge de 97 ans.
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