Page 34 - catalogue tableaux_08-2020
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GIOVANNI ANTONIO CANAL
(VENISE, 1697 – VENISE, 1768)
DIT CANALETTO (École de)
Venise, vue du Grand Canal
Vers 1760
Huile sur toile 37 x 57 cm.
Enjambant le Grand Canal de son arche unique, le pont du Rialto occupe ici le centre
de composition. Il est, à l’époque de cette peinture, le seul pont qui traverse le Grand Canal,
reliant les quartiers de San Marco, à gauche, et de San Polo, à droite, où l’on reconnait sa
place dégagée accueillant les marchés aux légumes et aux poissons. Nerf commercial de la
cité lacustre, le pont du Rialto en constitue aussi l’un des fleurons architecturaux avec sa
forme caractéristique à double pente, couronnée d’une arcade. Pont couvert, il abrite aussi
de nombreuses boutiques. Jouant avec l’ombre et la lumière pour animer ce paysage urbain,
le peintre choisit ici une heure de l’après-midi où le Rialto est dans l’ombre. A sa droite, le
palais des Camerlenghi dresse aussi sa face ombragée tandis qu’à gauche, de l’autre côté du
Canal, la façade imposante du Fondaco dei Tedeschi, est baignée de soleil. Des auvents de
toiles sont tirés çà et là pour abriter ses occupants d’une lumière trop directe. Cet entrepôt
des Allemands est un autre monument emblématique de Venise avec ses larges arcades,
ouvrant directement sur le Grand Canal pour donner accès aux bateaux de marchandises,
et avec sa corniche festonnée, rythmée ici de cheminées aux formes évasées, aujourd’hui
disparues. Ce type de peintures de paysages appelées « vedute » (vues, en français) connut un
34 très riche développement à Venise au XVIIIe siècle s. quand les visiteurs étrangers de marque
voulurent rapporter chez eux des souvenirs de Venise. Ainsi, chaque collection aristocratique
européenne se devait de posséder des « vedute » de Venise par Canaletto, Guardi ou un de
leurs élèves, ce dont témoigne avec brio ce tableau.
Giovanni Antonio Canal (1697 – 1768), dit Canaletto, est un peintre vénitien qui
connut une grande notoriété pour ses « vedute » de Venise. Fin observateur de la Sérénissime
et de ses habitants, c’est aussi un peintre rigoureux qui reproduit fidèlement les édifices de sa
ville, combinant avec subtilité les règles de la perspective et les jeux d’ombres et de lumières.
Ces croquis sur le vif, dont on conserve des carnets, précèdent le travail de peinture en
atelier. Usant de la chambre noire pour reproduire précisément ses vues, il sait cependant
prendre quelques libertés pour privilégier l’harmonie de ses compositions. Fils d’un peintre
de décors de théâtre, auprès duquel il apprend le métier, il se rend à Rome où il rencontre
les peintres paysagistes spécialistes du genre, Vanvitelli et Panini. De retour à Venise, il se
lance alors dans la peinture « vedutiste » où il acquiert sa notoriété. Au-delà de la restitution
fidèle des architectures de sa ville, c’est aussi la commémoration d’évènements ou l’agitation
quotidienne qui font la saveur de ses toiles et qui séduiront un public toujours plus large de
collectionneurs. Devenu l’un des peintres les plus renommés de Venise, ses commanditaires
sont autant les riches patriciens de la ville que les nombreux aristocrates étrangers de passage
dans la cité lacustre, notamment les Anglais, effectuant leur « Grand Tour » d’Italie dont
Venise est une étape indispensable. Bientôt, toutes les grandes collections privées européennes
auront des « vedute » de Canaletto sur leurs cimaises. Fort de sa célébrité, il séjourne durant
dix ans à Londres où il reçoit de nombreuses commandes. Admis à l’académie des Beaux-arts
de peinture et de sculpture de Venise en 1763, il s’éteindra au faîte de sa gloire.