Page 22 - catalogue tableaux_08-2020
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EUGÈNE BOUDIN
(HONFLEUR, 1824 – DEAUVILLE, 1898)
Boulogne-sur-Mer, le port, quai d’accostage
1891-93
Huile sur toile signée et datée en bas à droite 45 x 65 cm.
Le quai depuis lequel nous considérons ce port s’avance dans la toile comme laproue
d’un navire. Il s’agit d’un promontoire auquel on accède par une échelle dont on aperçoit
l’extrémité supérieure au tout premier plan. Nulle activité humaine apparente hormis cet
homme allongé qui s’adresse à un autre en contrebas, dans sa barque. Les travaux semblent
s’être arrêtés il y a peu comme l’attestent les deux tréteaux sur lesquels devaient reposer une
petite embarcation et surtout les cordages épars qui se déploient depuis une bitte d’amarrage.
D’un noir plus intense que tout le reste, celle-ci se dresse au centre de la composition comme
un point d’ancrage visuel. Dans l’axe, à l’arrière-plan, la ligne d’horizon délimitant ciel
et mer se distingue entre deux langues de terre occupées par des navires. A droite, plus
particulièrement, s’alignent des trois-mâts dont l’un, penché, nous témoigne de l’activité
de chantier naval qui anime ce port. Mais c’est à l’extrême arrière-plan que le peintre nous
dévoile la « marche du progrès » avec le ruban de fumée qui s’échappe d’un bateau à vapeur,
dont la hauteur des volutes rivalise avec celles des mâts. Dans une temporalité suggérée par la
profondeur de l’espace, la marine à vapeur s’annonce pour se substituer bientôt à celle à voile,
en cette fin de siècle marqué par l’industrialisation. C’est cette vapeur si contemporaine qui
distancie cette fois la composition du peintre de celle de ses modèles hollandais dont subsiste
22 pourtant encore la prééminence du ciel. Témoin de son siècle, Eugène Boudin est d’abord
un observateur méticuleux de la nature. Installant son chevalet en plein air, il concilie un œil
attentif aux changements atmosphériques à une connaissance nourrie des grands maitres du
paysage, et parmi ceux-ci les Hollandais du Siècle d’or.