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GEORGES BRAQUE
                        (ARGENTEUIL, 1882 – PARIS, 1963)


                        Fruits, cruche et pipe

                        1924
                        Huile sur toile signée en bas à droite 42,5 x 59,5 cm.


                             La forme vert sombre sur laquelle se détache cette nature morte dessine un motif aux
                        contours chaotiques qui l’assimile à une tâche. Image dans l’image, elle ouvre un nouvel
                        espace, comme une béance dans un mur aussitôt niée par les deux traits horizontaux qui
                        marquent les limites d’un plan, une table, sur laquelle reposent fruits et objets. Ceux-ci sont
                        traités avec une grande économie de moyens. Sans s’embarrasser de leurs volumes, le peintre
                        les résume à leurs couleurs, en aplat, contribuant à les signifier plus qu’à les représenter.
                        Ainsi, citrons, figues et raisins se juxtaposent dans une planéité affirmée. Seule la pomme
                        bénéficie d’un traitement plus naturaliste de son volume grâce aux quelques nuances de
                        valeurs qui la revêtent. La pipe, à son tour, dessine sa silhouette blanche et fine, dans une
                        pause suspendue, comme en lévitation. Enfin, la cruche se dégage du fond par ses contours
                        blancs qui la cantonnent dans une forme élémentaire. Un trait vertical, arbitraire, marque
                        une séparation des couleurs, ocre rouge et noire, cette dernière évoquant une ombre. Comme
                        à son habitude, Georges Braque revisite la nature morte en jouant avec ses codes. Le plan
                        horizontal, hérité des vanités hollandaises et abondamment utilisé par Chardin, se dégage ici
                        en filigrane mais Braque y introduit une rupture avec sa nappe verte en apesanteur. En niant
                        les volumes, il privilégie la forme, quitte à la simplifier jusqu’au motif.
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                             Georges Braque (1882-1963) est considéré avec Picasso comme l’initiateur du
                        mouvement cubiste. Artiste total, il peint, grave, sculpte et invente la technique du collage.
                        Suivant d’abord une formation d’artisan-décorateur, il s’oriente vers la peinture et s’installe
                        à Montmartre, centre névralgique des artistes d’avant-garde. Dès 1906, il expose ses œuvres
                        au Salon des Indépendants. D’abord inspiré par le fauvisme, il découvre l’œuvre de Cézanne
                        qui l’amène à plus de simplification. Mais c’est la rencontre décisive avec Picasso dont Les
                        Demoiselles d’Avignon révolutionne son œuvre, qui lui inspire son Grand nu de 1908. De
                        cette rencontre nait alors le cubisme, décomposant le modèle pour mieux le recomposer,
                        multipliant les points de vue, simplifiant les formes en les géométrisant. À partir des années
                        20, se défiant d’une dérive de son œuvre vers l’abstraction, Braque réintroduit l’objet réel
                        dans ses natures mortes. Sa palette délaisse les camaïeux de gris pour revenir à des tons
                        plus colorés. Exposé chez Kahnweiler puis Rosenberg, sa notoriété va croissant. Vollard lui
                        commande une série de gravures, éditées par Maeght. Pendant la seconde guerre mondiale,
                        il se consacre à une peinture plus ascétique, enchainant les séries de Guéridons et de natures
                        mortes à laquelle se rattache ce Bouquet de fleurs.
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