Page 26 - catalogue tableaux_08-2020
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GEORGES BRAQUE
(ARGENTEUIL, 1882 – PARIS, 1963)
Fruits, cruche et pipe
1924
Huile sur toile signée en bas à droite 42,5 x 59,5 cm.
La forme vert sombre sur laquelle se détache cette nature morte dessine un motif aux
contours chaotiques qui l’assimile à une tâche. Image dans l’image, elle ouvre un nouvel
espace, comme une béance dans un mur aussitôt niée par les deux traits horizontaux qui
marquent les limites d’un plan, une table, sur laquelle reposent fruits et objets. Ceux-ci sont
traités avec une grande économie de moyens. Sans s’embarrasser de leurs volumes, le peintre
les résume à leurs couleurs, en aplat, contribuant à les signifier plus qu’à les représenter.
Ainsi, citrons, figues et raisins se juxtaposent dans une planéité affirmée. Seule la pomme
bénéficie d’un traitement plus naturaliste de son volume grâce aux quelques nuances de
valeurs qui la revêtent. La pipe, à son tour, dessine sa silhouette blanche et fine, dans une
pause suspendue, comme en lévitation. Enfin, la cruche se dégage du fond par ses contours
blancs qui la cantonnent dans une forme élémentaire. Un trait vertical, arbitraire, marque
une séparation des couleurs, ocre rouge et noire, cette dernière évoquant une ombre. Comme
à son habitude, Georges Braque revisite la nature morte en jouant avec ses codes. Le plan
horizontal, hérité des vanités hollandaises et abondamment utilisé par Chardin, se dégage ici
en filigrane mais Braque y introduit une rupture avec sa nappe verte en apesanteur. En niant
les volumes, il privilégie la forme, quitte à la simplifier jusqu’au motif.
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Georges Braque (1882-1963) est considéré avec Picasso comme l’initiateur du
mouvement cubiste. Artiste total, il peint, grave, sculpte et invente la technique du collage.
Suivant d’abord une formation d’artisan-décorateur, il s’oriente vers la peinture et s’installe
à Montmartre, centre névralgique des artistes d’avant-garde. Dès 1906, il expose ses œuvres
au Salon des Indépendants. D’abord inspiré par le fauvisme, il découvre l’œuvre de Cézanne
qui l’amène à plus de simplification. Mais c’est la rencontre décisive avec Picasso dont Les
Demoiselles d’Avignon révolutionne son œuvre, qui lui inspire son Grand nu de 1908. De
cette rencontre nait alors le cubisme, décomposant le modèle pour mieux le recomposer,
multipliant les points de vue, simplifiant les formes en les géométrisant. À partir des années
20, se défiant d’une dérive de son œuvre vers l’abstraction, Braque réintroduit l’objet réel
dans ses natures mortes. Sa palette délaisse les camaïeux de gris pour revenir à des tons
plus colorés. Exposé chez Kahnweiler puis Rosenberg, sa notoriété va croissant. Vollard lui
commande une série de gravures, éditées par Maeght. Pendant la seconde guerre mondiale,
il se consacre à une peinture plus ascétique, enchainant les séries de Guéridons et de natures
mortes à laquelle se rattache ce Bouquet de fleurs.