Page 140 - catalogue tableaux_08-2020
P. 140
MARIE LAURENCIN
(PARIS, 1883 – PARIS, 1956)
Portrait d’Eliane de Beaumont avec son chien, Dudu
1944
Huile sur toile signée en haut à gauche 46 x 38 cm.
Œuvre reproduite dans le Catalogue raisonné de l’œuvre peint, Daniel Marchesseau,
Paris, 1986.
La femme représentée dans ce portrait semble une apparition dans un miroir, tant ses
traits diaphanes affleurent à la surface de la toile comme dans un halo de lumière. Un léger
contour cerne çà et là le volume du visage et du buste. De rares couleurs rehaussent le camaïeu
de gris qui s’étale en dégradé de bas en haut. Le brun jaune de sa coiffure et du pelage du chien
réchauffe l’atmosphère froide du tableau, ainsi que quelques touches de rouge soulignant les
paupières et les lèvres. Les yeux d’un bleu intense animent ce visage mélancolique, sans âge.
Ce portrait de la comtesse de Beaumont privilégie l’intimité à la position sociale du modèle.
Le style de Marie Laurencin, évanescent, doux et délicat, convient parfaitement à traduire la
féminité et l’élégance discrète de cette femme du monde. La peinture chez Marie est d’abord
un acte poétique.
Marie Laurencin (1883-1956) est une portraitiste française, poétesse et illustratrice.
Inscrite à l’école de Sèvres pour devenir peintre sur porcelaine ainsi qu’à l’Académie Humbert,
elle rencontre Braque et Picabia. En 1907, elle expose pour la première fois au Salon des
140 Indépendants en compagnie de Picasso et Derain, flirtant ainsi avec le cubisme avec son
célèbre Groupe d’artistes, aujourd’hui au Musée de Baltimore. Sa notoriété monte alors en
France, puis en Allemagne. Exilée en Espagne pendant la première guerre mondiale, elle
fréquente le milieu Dada mais son style se montre peu perméable aux influences de ces
artistes. C’est dans l’entre-deux guerres que sa carrière de portraitiste mondaine atteint son
apogée. Son style singulier ne cherche pas tant la ressemblance du modèle qu’un masque
reconnaissable de sa palette aux aplats de couleurs froides. Ses portraits, s’ils sont des objets
à la mode, expriment aussi la recherche d’un éternel féminin. Ses clientes sont souvent ses
amies et ce Portrait d’Eliane de Beaumont a été réalisé pendant la guerre alors que Marie
Laurencin est réfugiée chez elle, témoignant d’une intimité entre les deux femmes.