Page 12 - catalogue tableaux_08-2020
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EUGÈNE BOUDIN
(HONFLEUR, 1824 – DEAUVILLE, 1898)
Dordrecht, La Meuse
1884
Huile sur toile signée et datée en bas à droite 45 x 65 cm.
Tel une marine hollandaise, ce paysage nous expose un ciel qui semble le sujet
principal tant il prend une place prépondérante dans la composition. En effet, ce sont près
des trois-quarts du tableau qui sont consacrés à ce ciel pommelé aux nuages vaporeux, si
caractéristiques d’Eugène Boudin. Dans une parfaite unité chromatique, ils se diluent plus
qu’ils ne se reflètent dans la Meuse qui coule en contrebas. A l’horizon, seule une mince
bande de terre vient les séparer, qui s’amplifie de chaque côté selon les lois de la perspective.
Si, à droite, quelques arbres nous évoquent la nature, à gauche, la rive est plus construite,
suggérant les abords d’un port. C’est cet horizon bouché qui nous permet de comprendre
qu’il s’agit ici d’un fleuve dont les courbes nous masquent l’embouchure pourtant proche.
Les trois mâts qui se profilent à l’horizon, comme autant d’arêtes, témoignent en effet d’un
trafic maritime que le premier plan semblait ignorer... La barque qui s’avance vers nous
contraste par sa taille avec l’activité portuaire du fond. Elle nous permet d’évoquer celle où
pourrait se tenir le peintre pour réaliser ce paysage. Celui-ci parfaitement centré suppose,
de fait, que l’artiste l’ait réalisé à bord d’une embarcation. Cette marine n’est pas sans nous
rappeler celle réalisée deux siècles plus tôt par le peintre hollandais, Albert Cuyp et conservée
aujourd’hui au J. Paul Getty Museum. Au-delà de la prédominance du ciel, c’est aussi cette
12 composition centrée, avec la présence plus discrète chez Boudin d’un bateau comme axe de
symétrie. C’est lors de ses voyages aux Pays-Bas que ce dernier se familiarise avec les maitres
du Siècle d’or hollandais, dont il avait pu déjà admirer des œuvres au Louvre, notamment,
une autre vue de la Meuse à Dordrecht par Van Goyen cette fois. Ce séjour hollandais sera
une source d’inspiration très féconde pour ce peintre de plein air qui retrouve dans les ciels
bataves les atmosphères de ses ciels normands, aux teintes délavées.