Page 104 - catalogue tableaux_08-2020
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JEAN-HONORÉ FRAGONARD
(GRASSE, 1732 – PARIS, 1806)
La Petite Jardinière
Vers 1750 – 1760
Huile sur toile signée et monogrammée à droite 98 x 85 cm.
Certificat René Millet Expertise.
Assise au milieu d’un paysage bucolique, une fillette confortablement installée sur un
talus, cueille une fleur qu’elle s’apprête à disposer dans une corbeille d’osier. Son attention est
attirée ailleurs comme si elle était témoin d’une scène au-delà du cadre. Cette enfant, âgée de
cinq ou six ans, est habillée comme une adulte, avec une robe à la française au corsage à large
décolleté. Un chapeau de paille, rejeté en arrière, semble l’auréoler. Entre angelot et putto, la
fillette appartient à un monde de l’enfance idéalisé qui vient agrémenter les scènes galantes
de leurs ainés. Cette demoiselle doit probablement avoir un chérubin en pendant pour lui
donner la réplique. Le format ovale de l’œuvre laisse envisager un panneau s’insérant dans
le décor d’un salon. Les couleurs vives et chaudes de la robe sont rehaussées par la gamme
plus pastel de la végétation qui l’entoure. Le bleu du ciel, parsemé de nuages blancs, prend
des allures plus décoratives qu’atmosphériques. Tout est harmonieux et équilibré, de l’arbre
incliné à l’arrière-plan qui répond au balancement de l’enfant, jusqu’à la forme arrondie de
sa robe qui s’enchâsse dans l’ovale du cadre.
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) est un peintre majeur du XVIIIe siècle français.
104 Formé dans l’atelier de François Boucher (1703-1770), Fragonard s’initie au style rococo du
maitre. Prix de Rome à 20 ans, il part en Italie en compagnie d’Hubert Robert et y découvre
la peinture virtuose de Tiepolo. En 1765, il est reçu à l’Académie comme peintre d’histoire
mais quitte ce grand genre pour se consacrer à une peinture plus galante voire érotique,
plus en phase avec les goûts de la cour de Louis XV. La légèreté de sa touche, qui sait saisir
l’instant fugace d’un regard ou d’un baiser, est toujours empreinte d’élégance et de retenue
comme en témoigne la Coquette fixée. A la frivolité du sujet, s’ajoute une candeur, soulignée
par des couleurs pastel. Les personnages, jamais grivois, incarnent plutôt l’innocence d’une
enfance toujours latente. La Petite jardinière appartient encore à cet âge tendre, spectatrice
avant d’être bientôt actrice. Les paysages bucoliques aux verts tendres, parsemés de fleurettes,
servent souvent d’écrin à ces idylles éphémères. Cette peinture de l’intime, destinée aux
appartements privés, est très en vogue au milieu du XVIII siècle, fort appréciée du roi et
e
d’une aristocratie libertine. Ces petits formats aux tonalités suaves siéent à merveille aux
alcôves pour lesquelles elles sont destinées.