Page 64 - catalogue tableaux_08-2020
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GUSTAVE COURBET
(ORNANS, 1819 – LA TOUR-DE-PEILZ, 1877)
Le Petit Pont
1870
Huile sur toile 86 x 120 cm.
Tableau peint en collaboration
Publication
Œuvre reproduite dans La vie et l’œuvre de Gustave Courbet, Catalogue raisonné, Robert
Fernier, 1978, tome II, n°34.
Dans une symétrie légèrement contrariée, cette composition nous dévoile un pont à
une arche, isolé dans une campagne vallonnée. Il est, à lui seul, le sujet du tableau. Campé
en plein centre, encadré par deux paires d’arbres presque identiques, son profil rectiligne
coupe avec netteté la composition. Sa masse jaune-clair est baignée de la lumière d’un rayon
de soleil qui descend de l’angle supérieur droit du tableau. A la linéarité du parapet répond la
forme arrondie de la masse d’eau qu’il enjambe. Rivière ou étang, cette étendue d’eau forme
l’écrin en demi-lune de ce petit pont. Son bleu, délavé de gris et de jaune, offre un miroir au
ciel et aux nuages qui le surplombent. Il fait aussi écho dans ses lignes courbes à la silhouette
de la montagne qui dessine sa masse sombre à l’arrière-plan. Dans une palette alternant les
teintes chaudes d’une végétation automnale et celles plus froides des éléments aquatiques et
minéraux, le peintre nous plante un paysage à forte valeur psychologique. Il s’agit presque du
64 portrait d’un pont. La sérénité nait ici de la lumière chaleureuse et de l’équilibre des masses.
Nulle menace dans ce ciel blanc légèrement pommelé, nulle anecdote liée à une présence
humaine ou animale. Cependant, si la nature semble régner seule ici, c’est la réalisation de
l’homme qui en détermine le sujet, un petit pont de pierre.
Gustave Courbet (1819-1877) est le chef de file du courant réaliste. Fils d’agriculteur,
il est très proche de la nature. A Paris, il débute à 20 ans son apprentissage de la peinture
dans l’atelier de Charles de Steuben et fréquente régulièrement le Louvre où il admire la
peinture hollandaise et espagnole du XVII siècle, mais il copie aussi Géricault. Il prend alors
e
un atelier et se lie d’amitié avec Baudelaire. Après un voyage en Hollande où il découvre
Rembrandt et Frans Hals, il retourne chez lui à Ornans pour opérer un changement radical
dans sa peinture qu’il qualifie lui-même de « réaliste ». Son chef-d’œuvre, Un Enterrement
à Ornans, aujourd’hui au musée d’Orsay, fera scandale au Salon de 1851, car considéré
comme trop réaliste voire « socialiste ». Désormais sa peinture choque, ses nus féminins,
trop sensuels, sont jugés dégradants. Il n’abandonne pas cependant le paysage, parcourant le
Languedoc, la Normandie et les Charentes où il peint et expose même avec Corot. Membre
actif de la Commune de Paris en 1871, il est condamné à financer la reconstruction de
la colonne Vendôme qu’il avait contribué à faire renverser. Ruiné, il s’exile alors pour la
Suisse où il reprend une activité prolifique pour combler ses dettes lui conférant bientôt une
notoriété internationale.