Page 44 - catalogue tableaux_08-2020
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FRANÇOIS CLOUET
                        (PARIS, AVANT 1520 – TOURS, 1572)
                        (suiveur)
                        DÉBUT DU XVII  SIÈCLE
                                              E

                        La Nourrice, dite Femme allaitant un nouveau-né
                        (Alexandre de Vendôme, fils de Gabrielle d’Estrées et d’Henri IV ?)

                        Vers 1620
                        Huile sur vélin ou papier, marouflé sur carton 40,5 x 30 cm
                        Au revers, ancienne inscription à la pierre noire « Grand prieur de Vendôme 2e F
                        de Gabrielle d’Estrées ».
                        Provenance
                                                                         e
                        Vente anonyme, Versailles, Hôtel Rameau, 8 juin 1867, (M  Blache), n° 211, reproduit
                        (Ecole de François Clouet) ; collection Riechers, Neuilly-sur-Seine.

                             Dans un cadrage très rapproché, une femme en buste allaite un nourrisson. Arborant
                        un large sourire, elle fixe le spectateur d’un regard rieur. Malgré le cadre serré, la composition
                        est epreinte d’un grand dynamisme, dû à la posture de la femme qui se penche en avant,
                        provoquant ainsi un mouvement du voile de sa coiffe auquel répond le drapé de son corsage
                        qui dévoile son sein. Totalement emmailloté comme il était alors d’usage, le corps de l’enfant,
                        représenté de biais fait, lui aussi, écho à la diagonale du voile. Ce nouveau-né qui tête semble
                        entièrement consacré à sa tâche et la succion lui provoque un bourrelet sous le menton,

        44              selon une pose très naturelle. La main de sa nourrice, aux longs doigts gracieux, l’enserre
                        délicatement. Les formes rondes se répondent dans la composition : coiffe et seins de la
                        nourrice, dont l’un est couvert du même tissu blanc, visage et bonnet de l’enfant. La palette,
                        restreinte s’organise autour du blanc des carnations et celui des vêtements, ainsi que du
                        rouge de la manche de la femme. Le fond sur lequel se détache ce duo est totalement noir.
                        Le cadrage de cette scène milite pour la considérer comme le détail repris d’une composition
                        plus ample. La similitude des modèles le rapproche indéniablement de La Dame au Bain, de
                        François Clouet, conservé à la National Gallery de Washington, qui inspira de nombreuses
                        compositions de femmes au bain. Un dérivé de ce tableau, postérieur de vingt ans et conservé
                        au musée des Beaux-Arts de Lyon, atteste de la postérité de ce motif : la nourrice y est reprise
                        à l’identique mais cette fois inversée.
                             Le thème profane de la dame au bain, originaire d’Italie, est très prisé à la fin du
                        XVIème siècle en France et connaitra un vif succès à la Cour, permettant aux favorites
                        royales de se faire portraiturer dénudées pour exposer leur beauté. Dépourvue désormais de
                        prétextes iconographiques, convoquant Vénus ou Diane au bain, ces portraits de femmes à
                        leur toilette, bien que toujours empreints d’érotisme, sont aussi l’occasion de faire passer des
                        messages à velléité dynastique. On y trouve, en effet, de nombreuses références à la maternité.
                        Ainsi François Clouet, célèbre portraitiste à la Cour, réalise-t-il, en 1571 le portrait présumé
                        de la maitresse de Charles IX, Marie Touchet. La nourrice allaitant l’enfant à l’arrière-plan
                        serait ainsi le fils ainé que le roi eut de sa favorite… Ce modèle connut une grande postérité
                        puisqu’il fut repris dans le célèbre Portrait présumé de Gabrielle d’Estrées et sa sœur conservé
                        au Louvre, annonçant sa grossesse, suivi d’un second, conservé à Lyon, avec la reprise de
                        la nourrice, révélant la naissance du fils bâtard d’Henri IV, César de Vendôme. Ainsi cette
                        Nourrice, dite Femme allaitant un nouveau-né, serait-elle la copie du tableau de Clouet
                        attestant de la célébrité de ce motif d’une maternité profane et joyeuse.
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