Page 202 - catalogue tableaux_08-2020
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RENÉ-ACHILLE ROUSSEAU– DECELLE
(PARIS,1881 – PARIS, 1964)
Une Guinguette à Paris
1910
Huile sur toile signée en bas à gauche
75 x 100 cm.
Par une belle après-midi ensoleillée, des couples sont attablés à l’ombre d’une tonnelle
à travers laquelle percent quelques rayons d’un soleil encore haut. L’ambiance est calme et
sereine. L’heure du déjeuner est passée car les tables sont desservies. On n’y sert plus que
quelques rafraichissements comme l’atteste la serveuse à l’arrière-plan à gauche portant un
plateau uniquement chargé de verres. La scène, vaste, se divise en deux plans. Le premier,
dans la pénombre de la tonnelle, est bordé de part et d’autre d’une cabane et d’un parapet,
isolant l’assemblée dans un espace réservé ; l’arrière-plan, en revanche, largement éclairé
s’ouvre sur la ville où se prolonge cette terrasse et où l’on aperçoit au loin quelques dames se
promenant avec leur ombrelle. La composition fait penser à un théâtre, avec sa scène éclairée
au fond, mais dans lequel le spectacle se jouerait dans la salle. Sous la tonnelle, le peintre
attire notre regard vers une table plus éclairée à gauche. Ainsi, mis en lumière ces convives
semblent les protagonistes principaux de cette scène estivale. Trois couples y conversent.
Dans un jeu inversé, un homme offre des fleurs à une jeune femme, baignée par un rai de
lumière, quand une jeune marchande de fleurs vient proposer les siennes à un autre homme
de cette assistance. A la fois banale et singulière, la scène ne manque pas d’élégance. Elle nous
202 offre un moment suspendu dans un milieu bourgeois parisien insouciant et oisif par un beau
dimanche après-midi.
René Achille Rousseau-Decelle (1881 – 1964) est un peintre français, élève des
peintres académiques Bouguereau et Ferrier. Grand Prix de Rome, il expose à partir de 1903
au Salon des Artistes Français et recueille plusieurs commandes officielles comme, en 1907,
La Chambre des députés, un de ses plus célèbres tableaux avec Le Pesage d’Auteuil et Le
Palais de Glaces (1909). Contemporain des avant-gardistes, il choisit cependant de rester
dans une veine plus impressionniste prolongeant les scènes d’assemblées bucoliques dans
la manière de Manet ou Renoir. A sa façon, Rousseau – Decelle s’inscrit dans la lignée
des assemblées aristocratiques telles que les initia Watteau et après lui van Loo. Il est avec
Jean Béraud le peintre de la Belle époque. Son Pesage, contemporain de cette Guinguette,
restitue parfaitement le climat d’une société bourgeoise s’adonnant aux courses hippiques
à la veille de la Guerre 14-18, comme Jacques-Henri Lartigue sut aussi les saisir avec son
appareil photographique. Ces compositions de grande ampleur témoignent d’un art de
vivre à la Belle époque, nous proposant les derniers instants d’insouciance avant les affres
d’une guerre à venir. Affecté au Service des Documents secrets du ministère de la Guerre,
pendant la Première Guerre Mondiale, il aura le premier entre les mains le télégramme
annonçant l’armistice. Chevalier de la Légion d’Honneur en 1926, il obtient la commande
de la décoration du plafond du grand théâtre de Reims, ville sinistrée par le conflit.