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PIERRE-AUGUSTE RENOIR
                        (LIMOGES, 1841 – CAGNES-SUR-MER, 1919)


                        Port et ville, vus d’une fenêtre

                        1893
                        Huile sur toile portant le cachet de la signature en bas à gauche
                        23 x 29 cm.


                             Ces sphères géométriques alignées au premier plan n’évoquent pas immédiatement
                        la frondaison des arbres mais plutôt quelque composition abstraite. D’autant que les rares
                        troncs apparents sont réduits à une simple ligne parfaitement verticale... Pour autant, la
                        répartition dans l’espace des diverses zones colorées atteste d’un paysage où le bleu du ciel,
                        proéminent, occupe la moitié supérieure de l’œuvre tandis qu’une gamme plus chaude de
                        jaunes et de verts s’étalent dans la partie inférieure, interrompue par une bande blanche
                        horizontale formée de petits carrés blancs qui évoquent les maisons d’une petite ville. Enfin,
                        en bas à gauche, un rectangle bleu, écho dilué du ciel, nous apporte la mer... il s’agit bien
                        d’un port. Vu de surplomb, ce paysage urbain se distingue plus qu’il ne s’affiche. Il semble le
                        prétexte au déploiement d’une palette où les couleurs fusent. La touche y est omniprésente,
                        tantôt légère, tantôt saturée. Mais aussi tantôt disciplinée, pour figurer les contours d’une
                        maison à droite, tantôt libre, au point de noyer les formes en une masse indistincte, à gauche,
                        un voilier rentrant au port ? La gamme de couleurs, délicate et subtile, joue d’un savant
                        équilibre entre tonalités froides et chaudes. Chaque dominante semble porter en elle toute la

        190             gamme du tableau, comme en filigrane. Ainsi le ciel se module-t-il de teintes jaunes, vertes
                        ou rosées et dévoile en son centre un soleil rose. Le premier plan aux tonalités plus franches
                        offre aussi à l’œil un véritable feu d’artifices de couleurs chaudes où le bleu reste néanmoins
                        présent. Les arbres résument dans leur feuillage cet amalgame où se rencontrent toutes les
                        couleurs du tableau.

                             Auguste Renoir (1841-1919) est un peintre français qui connait une longue carrière
                        aux orientations changeantes. Formé à l’école des Beaux-arts dans l’atelier de Charles Gleyre,
                        il y rencontre Monet et Sisley avec lesquels il entame sa période impressionniste s’intéressant
                        aux effets de lumière. Sa peinture toujours figurative privilégie néanmoins les personnages
                        au paysage, dans des scènes populaires comme le Bal du Moulin de la Galette, aujourd’hui au
                        Musée d’Orsay. Cependant, son admiration pour Ingres et ses nus épurés lui font délaisser les
                        Impressionnistes pour l’orienter vers une peinture plus classique, aux contours plus affirmés
                        comme ses Grandes baigneuses du Philadelphia Museum. Après ce changement radical, mal
                        reçu par la critique, il trouve enfin le style dans lequel il réalise ses plus grands chefs-d’œuvre.
                        Les années 1890, période à laquelle appartient ce tableau, sont celles de la maturité mais
                        aussi du succès. Vendu chez Vollard et Durand-Ruel, il expose jusqu’aux Etats-Unis. C’est
                        aussi  l’époque  où  il  découvre  le  sud  de  la  France  et  sa  lumière  ensoleillée ;  il  s’installe  à
                        Cagnes-sur-Mer. Ce Port et ville, vus d’une fenêtre est emblématique de cette dernière période
                        et nous offre une magnifique synthèse de son art où l’on retrouve sa touche et sa palette si
                        caractéristiques. Il constitue aussi un rare témoignage de paysage pris sur le vif, genre auquel
                        il s’adonne rarement.
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