Page 190 - catalogue tableaux_08-2020
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PIERRE-AUGUSTE RENOIR
(LIMOGES, 1841 – CAGNES-SUR-MER, 1919)
Port et ville, vus d’une fenêtre
1893
Huile sur toile portant le cachet de la signature en bas à gauche
23 x 29 cm.
Ces sphères géométriques alignées au premier plan n’évoquent pas immédiatement
la frondaison des arbres mais plutôt quelque composition abstraite. D’autant que les rares
troncs apparents sont réduits à une simple ligne parfaitement verticale... Pour autant, la
répartition dans l’espace des diverses zones colorées atteste d’un paysage où le bleu du ciel,
proéminent, occupe la moitié supérieure de l’œuvre tandis qu’une gamme plus chaude de
jaunes et de verts s’étalent dans la partie inférieure, interrompue par une bande blanche
horizontale formée de petits carrés blancs qui évoquent les maisons d’une petite ville. Enfin,
en bas à gauche, un rectangle bleu, écho dilué du ciel, nous apporte la mer... il s’agit bien
d’un port. Vu de surplomb, ce paysage urbain se distingue plus qu’il ne s’affiche. Il semble le
prétexte au déploiement d’une palette où les couleurs fusent. La touche y est omniprésente,
tantôt légère, tantôt saturée. Mais aussi tantôt disciplinée, pour figurer les contours d’une
maison à droite, tantôt libre, au point de noyer les formes en une masse indistincte, à gauche,
un voilier rentrant au port ? La gamme de couleurs, délicate et subtile, joue d’un savant
équilibre entre tonalités froides et chaudes. Chaque dominante semble porter en elle toute la
190 gamme du tableau, comme en filigrane. Ainsi le ciel se module-t-il de teintes jaunes, vertes
ou rosées et dévoile en son centre un soleil rose. Le premier plan aux tonalités plus franches
offre aussi à l’œil un véritable feu d’artifices de couleurs chaudes où le bleu reste néanmoins
présent. Les arbres résument dans leur feuillage cet amalgame où se rencontrent toutes les
couleurs du tableau.
Auguste Renoir (1841-1919) est un peintre français qui connait une longue carrière
aux orientations changeantes. Formé à l’école des Beaux-arts dans l’atelier de Charles Gleyre,
il y rencontre Monet et Sisley avec lesquels il entame sa période impressionniste s’intéressant
aux effets de lumière. Sa peinture toujours figurative privilégie néanmoins les personnages
au paysage, dans des scènes populaires comme le Bal du Moulin de la Galette, aujourd’hui au
Musée d’Orsay. Cependant, son admiration pour Ingres et ses nus épurés lui font délaisser les
Impressionnistes pour l’orienter vers une peinture plus classique, aux contours plus affirmés
comme ses Grandes baigneuses du Philadelphia Museum. Après ce changement radical, mal
reçu par la critique, il trouve enfin le style dans lequel il réalise ses plus grands chefs-d’œuvre.
Les années 1890, période à laquelle appartient ce tableau, sont celles de la maturité mais
aussi du succès. Vendu chez Vollard et Durand-Ruel, il expose jusqu’aux Etats-Unis. C’est
aussi l’époque où il découvre le sud de la France et sa lumière ensoleillée ; il s’installe à
Cagnes-sur-Mer. Ce Port et ville, vus d’une fenêtre est emblématique de cette dernière période
et nous offre une magnifique synthèse de son art où l’on retrouve sa touche et sa palette si
caractéristiques. Il constitue aussi un rare témoignage de paysage pris sur le vif, genre auquel
il s’adonne rarement.