Page 180 - catalogue tableaux_08-2020
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JEAN-BAPTISTE PATER
(VALENCIENNES, 1695 – PARIS, 1736)
Le Colin-Maillard
Vers 1725
Huile sur toile
65 x 82 cm.
Certificat Galerie Cailleux, Paris.
Voici un jeu fort répandu en ce XVIII siècle qui permet toutes les licences à ses
e
protagonistes comme on s’en aperçoit au premier coup d’œil. La jeune femme dont les
yeux sont bandés vient de trouver un partenaire qui profite de sa cécité pour l’embrasser
dans le cou. La demoiselle qui s’éloigne d’un air complice a certainement précipité l’une
dans les bras de l’autre. A l’arrière-plan, d’autres jeunes femmes assistent amusées à la scène
quand un dernier groupe de femmes s’emploie à décorer de guirlandes de fleurs un pilier
hermaïque, le buste d’un satyre ? Le réel le dispute ici à l’allégorie. Des amours ailés s’invitent
à la fête, tournoyant autour de ce couple dans le ciel et, pour l’un d’entre eux, poussant
littéralement le galant contre la jeune femme. La scène se situe dans un décor de ruines
à l’antique émergeant de la végétation. Mais la couleur du ciel semble trop franche pour
être vraie. Le tout évoque plutôt une scène de théâtre avec ses décors coulissants, ses putti
descendant du plafond, jusqu’au seul rôle masculin dont l‘habit à fraise semble emprunté à
un acteur de la Commedia dell’arte.
Jean-Baptiste Pater (1695-1736) est un peintre rococo français. Formé auprès d’Antoine
180 Watteau, il restera toute sa carrière sous son influence, tant pour le style que pour le choix de
ses sujets. En 1725, il est en effet reçu à l’Académie comme peintre de fêtes galantes, genre
spécialement conçu pour son maitre, après la mort duquel il terminera d’ailleurs certaines
commandes. C’est de cette même année que date Scène galante dans un parc et Le Colin –
Maillard. Si l’influence de Watteau est manifeste pour le premier, notamment dans le rendu
irisé de la lumière, Pater semble s’en affranchir dans le second. Sa palette de couleurs est en
effet plus soutenue, avec des teintes presque acidulées. La composition plus éclatée empreinte
d’une théâtralité étrangère à Watteau fait clairement référence au théâtre italien alors très en
vogue chez les peintres. Le Grand siècle et sa peinture sérieuse a fait place à des thèmes plus
galants avec la Régence. La société, libérée du carcan de la cour, s’adonne à des jeux dont les
peintres nous font l’écho au point de créer ce nouveau genre des « fêtes galantes », adaptant la
scène de genre aux mœurs aristocratiques. Cet art de galanterie qui se répand dans l’Europe
du siècle des Lumières, trouve en Pater un brillant émissaire dont l’un des principaux clients
est l’empereur Frédéric II de Prusse.