Page 176 - catalogue tableaux_08-2020
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JEAN-BAPTISTE PATER
                        (VALENCIENNES, 1695 – PARIS, 1736)


                        Le Concert champêtre et La Cueillette des roses

                        Vers 1725
                        Huiles sur toile (une paire)
                        52 x 65,4 cm.


                             Ces deux tableaux aux dimensions identiques et aux compositions qui se répondent ont
                        été conçus comme une paire. Ils s’offrent à première vue de façon parfaitement symétrique.
                        Dans l’ombrage d’un bouquet d’arbres, un même nombre de personnages, sept, s’articulent
                        autour d’un couple principal, assis au centre de la composition. Inversement brossé dans
                        chaque toile, le décor où évoluent nos personnages montre un paysage champêtre avec un
                        village à l’horizon puis, plus près de nous, décentré, ce bouquet d’arbres légèrement en
                        surplomb qui offre une assise à ces promeneurs élégants. En revanche, le tout premier plan,
                        un chemin de terre, est laissé vacant avec les quelques accessoires qui donneront leur titre au
                        tableau : une partition ici, une corbeille de fleurs là. Le spectateur, mis ainsi à distance, est
                        sitôt renseigné sur le sujet de chaque scène représentée. Pour autant, il s’agit ici, nonobstant
                        les titres, de dépeindre des scènes galantes entre des couples d’aristocrates partis s’égayer dans
                        la campagne. Et nos deux pendants semblent dès lors dialoguer. Aux invariants que sont
                        les deux couples de chaque scène, s’ajoutent des personnages secondaires, majoritairement
                        des enfants, qui évoluent autour des protagonistes avec plus ou moins de complicité ou
                        d’indifférence. Ainsi, cette fillette tantôt dans les bras de son ainée, tantôt s’aventurant à
        176             cueillir des fleurs de l’autre côté du chemin.

                             Les couples galants se répondent, quant à eux, d’un tableau à l’autre avec subtilité. Leurs
                        tenues peu adaptées aux circonstances et aux lieux renforcent cette impression d’insouciance
                        voire d’incongruité. La femme somptueusement vêtue d’une robe à la française en taffetas de
                        soie dans le Concert champêtre trouve sa réplique, légèrement plus agreste, dans la Cueillette
                        des roses avec un tablier qui lui ceint la taille. Objets de tous les désirs, elles attirent le regard
                        dans leurs parures aux teintes irisées roses et blanches, étincelantes. Leurs compagnons,
                        empressés à leurs côtés, leur offrent un contrepoint avantageux dans leur costume rouge de
                        comédiens. L’un joue de la guitare quand l’autre se contente de conter fleurette... Nous en
                        sommes aux préliminaires. Les deux autres couples, en retrait, sont, eux, déjà enlacés. L’un
                        nous tournant le dos, l’autre nous faisant face, ils nous dévoilent l’étape à venir dans cette
                        relation amoureuse. Le peintre joue ici avec leurs attitudes en miroir comme s’il s’agissait du
                        même couple. Les jupes de taffetas vert émeraude des jeunes femmes sont identiques ainsi
                        que les vestes brunes de leur amant, renforçant encore un peu plus l’illusion d’une même
                        scène qui se jouerait d’un tableau à l’autre. Cette atmosphère de marivaudage bucolique, se
                        déroule sous les auspices de petits amours qui surplombent les personnages. Figurés sous
                        forme de sculptures qui peupleraient un parc, ces putti révèlent, s’il en était encore besoin,
                        le véritable sujet de ces tableaux. Motifs largement répandus de cette peinture de genre, leur
                        présence en pleine campagne, loin d’être anecdotique revêt des allures allégoriques, que l’on
                        retrouve notamment chez son contemporain Lancret.
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