Page 166 - catalogue tableaux_08-2020
P. 166

ÉTIENNE MOREAU-NELATON
                        (PARIS, 1859 – PARIS, 1927)


                        L’Omnibus

                        1888
                        Huile sur toile signée en bas à gauche 62,9 x 80 cm.
                        Provenance :
                        Vente Sotheby’s, New-York, 24 mai 1995, lot 00256.


                             Du haut de son promontoire, cette femme élégante qui nous fait face adopte une pose
                        parfaitement symétrique, les bras écartés prenant appui sur son parapluie posé à l’horizontal.
                        Assise sur le banc de la plateforme supérieure d’un omnibus « à l’impériale », elle occupe,
                        statique, le centre de la toile. Elle est entourée par deux hommes, assis de l’autre côté du
                        banc, offrant la touche claire de sa veste entre leurs deux habits noirs. Ces Messieurs se
                        retournent pour converser avec la dame. Relégués sur la gauche, deux autres hommes, l’un
                        en veste claire, l’autre en habit sombre, occupent aussi le même banc. Ces silhouettes, aux
                        chapeaux variés, se découpent sur un ciel aux lueurs rosées qui occupe l’arrière-plan. Les
                        teintes alternées de leurs vêtements se fondent dans le paysage urbain, à hauteur des maisons
                        qui, de part et d’autres de la composition, forment les deux côtés de la rue. Le cadrage serré
                        de la scène, qui décèle l’influence de la photographie, procure une certaine intimité à cette
                        conversation dont on comprend la localisation sur la plateforme supérieure d’un autobus,
                        grâce à quelques indices. La trame claire de la rambarde de protection, s’infléchit à droite,
                        suggérant l’escalier de l’autobus ; une pancarte mentionne « Ternes », révélant sa destination
        166             quand, au-dessous, les inscriptions « St Honoré – 33 » nous renseigne sur la ligne qu’il
                        emprunte. Pour autant, le point de vue retenu par le peintre nous assigne à la même hauteur
                        que les personnages, comme si nous étions sur la plateforme d’un autre omnibus. Cette
                        peinture, par son cadrage, photographique, sa palette, restreinte, et son sujet, contemporain,
                        est empreinte des recherches picturales d’avant-garde menées par les peintres Degas ou
                        Manet, que Moreau-Nélaton collectionne par ailleurs.
                             Etienne Moreau-Nélaton (1859-1927) est un artiste français – peintre, graveur et
                        céramiste – mais aussi un historien d’art et, enfin, un immense collectionneur d’art qui
                        légua une centaine de tableaux au Louvre ; il est ainsi l’un des plus grands donateurs privés
                        envers l’Etat français. Ainsi, au cours de trois donations, ce sont notamment quarante toiles
                        de Corot qui entrèrent au Louvre, mais aussi beaucoup de toiles d’avant-garde comme Le
                        Déjeuner sur l’herbe d’Edouard Manet ou encore Les Coquelicots de Claude Monet, aujourd’hui
                        conservés au musée d’Orsay. Enfin, il fut l’auteur des plus importantes monographies de son
                        temps, consacrées à Delacroix, Corot, Manet et Millet. Fils de la peintre et céramiste Camille
                        Moreau-Nélaton, Etienne lui doit sa vocation d’artiste. Il commence par se former auprès du
                        paysagiste Henri Harpignies puis chez le peintre décorateur, Albert Maignan. Cet Omnibus
                        fait partie des rares œuvres qui nous sont parvenues et offre un témoignage éclairant sur la
                        passion qu’a nourri Moreau-Nélaton pour cette peinture réaliste qu’il aima tant, au point
                        de la léguer au musée du Louvre. On pense ainsi au Balcon de Manet, où les personnages se
                        tiennent derrière la rambarde ajourée d’un balcon, ou encore aux sujets urbains de Degas ou
                        Caillebotte, dont les angles de vue recherchés cherchent à capter la modernité de son époque.
   161   162   163   164   165   166   167   168   169   170   171