Page 146 - catalogue tableaux_08-2020
P. 146

MAÎTRE DE GUEBWILLER


                        Le Christ au Mont des Oliviers

                        Vers 1490
                        Huile sur bois 39,1 x 28,2 cm.
                        Guebwiller, Haut-Rhin
                        Expertise
                        Prof. Otto Fischer, Kunstmuseum, Bâle (07/12/1936)
                        Monsieur Ludwig Meyer, Munich 2012
                        Monsieur René Millet, Paris 2019
                        Provenance
                        Collection Fritz Stöcklin, Kunsthandel, Bâle (1936-46)
                        Collection Dr Georg Heinirch Thommen, Bern


                             Ce tableau illustre l’Évangile selon saint Luc. (22,39-46) : « Jésus sortit pour se rendre,
                        comme d’habitude, au mont des Oliviers, et ses disciples le suivirent. Arrivé là, il leur dit :
                        « Priez, pour ne pas entrer en tentation ». Puis il s’écarta à la distance d’un jet de pierre
                        environ. Se mettant à genoux, il priait : « Père, si tu veux, éloigne de moi cette coupe ;
                        cependant, que ce ne soit pas ma volonté qui se fasse, mais la tienne ». Alors, du ciel, lui
                        apparut un ange qui le réconfortait ». Occupant le centre de la composition, le Christ est
                        agenouillé en prière faisant face au petit ange tenant le calice de sa passion, allusion directe
                        au sang qu’il va verser lors de son proche supplice sur la croix. En contrebas, trois de ses
                        disciples,  Pierre,  Jean  et  Jacques  le  Mineur,  se  sont  assoupis  durant  leur  veille,  dans  des
                        positions recroquevillées qui montrent leur vaine lutte contre le sommeil. Enfin, à l’arrière-
        146             plan, se profile le disciple Judas qui conduit les soldats romains dont on aperçoit casques
                        et lances derrière lui. Vêtu de jaune, selon la tradition, ce traitre s’avance avec précaution
                        en relevant sa tunique dont les ombres violacées s’accordent délicatement au jaune de la
                        tunique. La composition, étagée, est ramassée dans un espace étroit. Le paysage est suggéré
                        avec une grande économie de moyens, de grands rochers gris qui séparent les plans. Si les
                        traits des visages semblent un peu naïfs, la riche palette de couleurs aux dégradés subtils ainsi
                        que la lumière qui sculpte les drapés aux plis cassants, dénotent d’une grande maitrise. Fidèle
                        à la tradition, cette scène faisait partie d’un retable relatant la Passion du Christ, d’ordinaire
                        déclinée en une dizaine de séquences.

                        La redécouverte d’un maître
                             Cette œuvre par son style et sa facture appartient au gothique tardif alsacien, de la
                        fin du XVe s. mais rares sont les œuvres conservées de son auteur, originaire de la commune
                        de Guebwiller (Haut-Rhin). En effet, cet artiste, comme le prouvent sa palette vivement
                        colorée autant que ses types de visages et les attitudes de ses personnages, a probablement été
                        l›élève du Maître de la Passion de Karlsruhe, grand maître strasbourgeois actif dans les années
                        1430-50, dont on reconnait la forte influence. Son œuvre majeure, le retable de la Passion du
                        Christ, destiné à l›église Saint-Thomas de Strasbourg, est aujourd’hui partiellement conservé
                        à la Staatliche Kunsthalle de Karlsruhe. Cependant, le volet représentant le Christ au Mont
                        des oliviers offre une composition assez différente de cette œuvre. En revanche, cette dernière
                        offre de fortes similitudes avec le Christ au Mont des oliviers, gravé par Martin Schongauer
                        (1450 ? – 1491), qui l’aurait réalisée d’après son tableau, attestant de sa notoriété d’alors.
                        C’est ainsi dans ce milieu alsacien, créatif et bouillonnant, du tournant du siècle en proie aux
                        idées de la « dévotion moderne » annonçant la Réforme, qu’évolue le Maitre de Guebwiller.
                        Son œuvre, précieuse car rare, annonce déjà, par son expressivité, le travail de  Matthias
                        Grünewald (1475 ? – 1528) qui réalisera son célèbre retable 20 ans plus tard à Issenheim,
                        commune voisine de Guebwiller…
   141   142   143   144   145   146   147   148   149   150   151