Page 132 - catalogue tableaux_08-2020
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YVES KLEIN
(NICE, 1928 – PARIS, 1962)
Vénus bleue
Vers 1962
Pigment pur et résine synthétique sur plâtre
69,5 x 30 x 20 cm
Édition 224 / 300
Ce torse dépourvu de tête et de bras et dont les jambes sont coupées à demi n’en
évoque pas moins la quintessence de la féminité. Atrophiée, elle n’en est que plus belle. Nul
détail superflu d’une gestuelle qui lui donnerait un aspect narratif ou pire, anecdotique. Pas
de visage non plus qui lui conférerait l’identité d’un portrait. Seul un torse aux proportions
parfaites, légèrement plus petites que nature, dont la nudité dispense un érotisme maitrisé
car empreint d’une certaine pudeur. Cette pudeur est due à l’hiératisme de la pose tout
autant qu’à cette couleur bleue qui la recouvre totalement et crée une distance avec le sujet,
le dématérialise. En effet, dégagé ainsi de toute volonté illusionniste, le corps qui nous est
présenté impose une matérialité aux antipodes de la chair, mais aussi de la pierre. Difficile dès
lors de trouver dans la nature une matière à laquelle se référer. Car le corps de cette femme,
aux formes déjà idéalisées car copiées d’un antique, la Vénus d’Alexandrie, est enduit d’une
couleur monochrome elle-même artificielle car inventée par l’artiste et à laquelle il donna
son nom : l’IKB, l’International Klein Blue.
132 Yves Klein (1928-62) est un artiste français comptant parmi les plus avant-gardistes
de l’après-guerre et qui rejoindra le mouvement du Nouveau Réalisme avec son ami Arman.
Son œuvre, unique, révèle une conception nouvelle de la fonction de l’artiste dont la tâche
consiste à saisir la beauté qui, selon lui, existe déjà, à l’état invisible, dans l’air, dans la matière
ou à la surface du corps de ses modèles. C’est à partir de 1955 que Klein débute réellement
sa carrière artistique parallèlement à une activité de judoka. Sa première exposition au Club
des solitaires de Paris montre des monochromes de différentes couleurs. Commence ensuite
sa fameuse « période bleue » influencée par les ciels de Giotto que Klein a admiré à Assise. Il
invente alors une formule originale, validée en 1960 par l’Institut National de la Propriété
industrielle, l’IKB (International Klein Blue) qui le rendra mondialement célèbre et dont
cette Vénus est un témoignage éloquent. Cette réduction des couleurs au seul bleu fait jouer à
la matière picturale le rôle de l’air, du vide, duquel, pour l’artiste, naissent la force de l’esprit
et l’imagination. Enfin, la « technique des pinceaux vivants », ou « anthropométrie », laisse
au corps humain le soin de faire le tableau, laissant l’artiste en retrait. Ce sont le résultat
de performances réalisées en public avec des modèles dont les corps enduits de peinture
viennent s’appliquer sur un support. Klein propose ainsi un retour à la figure. Mais il meurt
prématurément d’une crise cardiaque en 1962, laissant son œuvre inachevé.