Page 68 - Galerie Dreyfus Basel - Tableaux de Maitres
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JEAN-BAPTISTE PATER
Le Colin-Maillard
vers 1725
Huile sur toile.
65 x 82 cm.
Certifcat Galerie Cailleux Paris.
Voici un jeu fort répandu en ce XVIIIe s. qui permet toutes les licences à ses
protagonistes comme on sen aperçoit au premier coup dil. La jeune femme dont les
yeux sont bandés vient de trouver un partenaire qui profte de sa cécité pour lembrasser
dans le cou. La demoiselle qui séloigne dun air complice a certainement précipité lune
dans les bras de lautre. A larrière-plan, dautres jeunes femmes assistent amusées à la
scène quand un dernier groupe de femmes semploie à décorer de guirlandes de feurs
un pilier hermaïque, le buste dun satyre ? Le réel le dispute ici à lallégorie. Des amours
ailés sinvitent à la fête, tournoyant autour de ce couple dans le ciel et, pour lun dentre
eux, poussant littéralement le galant contre la jeune femme. La scène se situe dans un
décor de ruines à lantique émergeant de la végétation. Mais la couleur du ciel semble
trop franche pour être vraie. Le tout évoque plutôt une scène de théâtre avec ses décors
coulissants, ses putti descendant du plafond, jusquau seul rôle masculin dont lhabit à
fraise semble emprunté à un acteur de la Commedia dellarte.
Jean-Baptiste Pater (1695-1736) est un peintre rococo français. Formé auprès
dAntoine Watteau, il restera toute sa carrière sous son infuence, tant pour le style que
pour le choix de ses sujets. En 1725, il est en efet reçu à lAcadémie comme peintre
de fêtes galantes, genre spécialement conçu pour son maitre, après la mort duquel il
terminera dailleurs certaines commandes. Cest de cette même année que date Scène
galante dans un parc et Le Colin-Maillard. Si linfuence de Watteau est manifeste pour
le premier, notamment dans le rendu irisé de la lumière, Pater semble sen afranchir
dans le second. Sa palette de couleurs est en efet plus soutenue, avec des teintes presque
acidulées. La composition plus éclatée empreinte dune théâtralité étrangère à Watteau
fait clairement référence au théâtre italien alors très en vogue chez les peintres. Le grand
siècle et sa peinture sérieuse a fait place à des thèmes plus galants avec la Régence. La
société, libérée du carcan de la cour, sadonne à des jeux dont les peintres nous font
lécho au point de créer ce nouveau genre des « fêtes galantes », adaptant la scène de genre
aux murs aristocratiques. Cet art de galanterie qui se répand dans lEurope du Siècle
des Lumières, trouve en Pater un brillant émissaire dont lun des principaux clients est
lempereur Frédéric II de Prusse.
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