Page 38 - Galerie Dreyfus Basel - Tableaux de Maitres
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JEAN-HONORÉ FRAGONARD
La petite jardinière
vers 1750 -1760.
Huile sur toile signée et monogrammée à droite.
98 x 85 cm.
Certifcat de René Millet Expertise.
Assise au milieu dun paysage bucolique, une fllette confortablement installée
sur un talus, cueille une feur quelle sapprête à disposer dans une corbeille dosier.
Son attention est attirée ailleurs comme si elle était témoin dune scène au-delà du
cadre. Cette enfant, âgée de cinq ou six ans, est habillée comme une adulte, avec une
robe à la française au corsage à large décolleté. Un chapeau de paille, rejeté en arrière,
semble lauréoler. Entre angelot et putto, la fllette appartient à un monde de lenfance
idéalisé qui vient agrémenter les scènes galantes de leurs ainés. Cette demoiselle doit
probablement avoir un chérubin en pendant pour lui donner la réplique. Le format
ovale de luvre laisse envisager un panneau sinsérant dans le décor dun salon. Les
couleurs vives et chaudes de la robe sont rehaussées par la gamme plus pastel de la
végétation qui lentoure. Le bleu du ciel, parsemé de nuages blancs, prend des allures
plus décoratives quatmosphériques. Tout est harmonieux et équilibré, de larbre incliné
à larrière-plan qui répond au balancement de lenfant, jusquà la forme arrondie de sa
robe qui senchâsse dans lovale du cadre.
Jean-Honoré Fragonard (1732-1806) est un peintre majeur du XVIIIème siècle.
Formé dans latelier de François Boucher, Fragonard sinitie au style rococo du maitre.
Prix de Rome à 20 ans, il part en Italie en compagnie dHubert Robert et y découvre la
peinture virtuose de Tiepolo. En 1765, il est reçu à lAcadémie comme peintre dhistoire
mais quitte ce grand genre pour se consacrer à une peinture plus galante voire érotique,
plus en phase avec les goûts de la cour de Louis XV. La légèreté de sa touche, qui sait
saisir linstant fugace dun regard ou dun baiser, est toujours empreinte délégance et
de retenue comme en témoigne la Coquette fxée. A la frivolité du sujet, sajoute une
candeur, soulignée par des couleurs pastel. Les personnages, jamais grivois, incarnent
plutôt linnocence dune enfance toujours latente. La Petite jardinière appartient encore
à cet âge tendre, spectatrice avant dêtre bientôt actrice. Les paysages bucoliques aux
verts tendres, parsemés de feurettes, servent souvent décrin à ces idylles éphémères.
Cette peinture de lintime, destinée aux appartements privés, est très en vogue au milieu
du XVIIIe s., fort appréciée du roi et dune aristocratie libertine. Ces petits formats aux
tonalités suaves siéent à merveille aux alcôves pour lesquelles elles sont destinées.
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